J’ai vu des vignerons, du ciel favorisés.

Publié le par Fabrice

J’ai vu des vignerons, du ciel favorisés.J’ai vu des vignerons, du ciel favorisés.J’ai vu des vignerons, du ciel favorisés.

Contemporain du poète latin Horace et du fondateur de l'histoire romaine, Tite-Live, Publius Virgilius Maro dit Virgile est un poète et écrivain latin du Ier siècle av. J.-C.

Il vécut les derniers temps troublés de la République et vit naître l'époque stable et prospère de l'empereur Auguste.

Ses poèmes, éloges de la vie paysanne et de la nature, ont influencé tous les poètes latins.

Poème composé de quatre chants; "Georgiques" fut écrit entre 36 et 29 av. J.-C. On dit qu'aucun texte de la poésie latine n'avait atteint un tel degré de perfection artistique. Sa publication éleva Virgile au rang de plus grand poète de l'époque.

Présenté comme un traité sur l'agriculture, ce texte célèbre principalement la vie des gens qui travaillent la terre.

Georgiques

 LIVRE II

Viens ! Tout répète ici ton nom et tes louanges ;

Viens, Bacchus ! De tes dons ces coteaux sont couverts ;

L’automne a sur son front tressé tes pampres verts ;

Et déjà sur les bords de la cuve fumante

S’élève en bouillonnant la vendange écumante :

Descends de tes coteaux, mets bas ton brodequin,

Et rougissons nos pieds dans des ruisseaux de vin.

 

J’ai vu des vignerons, du ciel favorisés,

Couvrir leurs ceps de pierres ou de vases brisés :

Ainsi du chien brûlant ils évitent l’haleine ;

Ainsi la froide hyade inonde en vain la plaine.

 

Mais à la terre, enfin, dès qu’ils sont confiés,

Que souvent le hoyau la ramène à leurs pieds :

Qu’on y pousse la bêche ; et, sans rompre les lignes,

Que le soc se promène au travers de tes vignes.

 

Puis tu présenteras aux naissants arbrisseaux

Ou des appuis de frêne, ou de légers roseaux ;

La vigne les rencontre ; et l’arbuste timide,

Conduit sur les ormeaux par ce fidèle guide,

Bientôt unit son pampre à leurs feuillages verts ;

Comme eux soutient l’orage, et les suit dans les airs.

 

Quand ses premiers bourgeons s’empresseront d’éclore,

Que l’acier rigoureux n’y touche point encore :

Même lorsque dans l’air, qu’il commence à braver,

Le rejeton moins frêle ose enfin s’élever,

Pardonne à son audace en faveur de son âge ;

Seulement de ta main éclaircis son feuillage.

 

Mais enfin, quand tu vois ses robustes rameaux

Par des noeuds redoublés embrasser les ormeaux,

Alors saisis le fer ; alors sans indulgence

De la sève égarée arrête la licence ;

Borne des jets errants l’essor présomptueux,

Et des pampres touffus le luxe infructueux.

 

Surtout que de buissons la vigne environnée

Evite des troupeaux la dent empoisonnée ;

Que la génisse avide et les chevreaux gloutons

Respectent sa faiblesse et ses jeunes boutons :

L’hiver dont les frimas engourdissent la terre,

L’été qui fend la plaine et qui brûle la pierre,

Lui seraient moins cruels que ces vils animaux,

Dont la dent déshonore et flétrit ses rameaux.

 

Aussi le dieu du vin, pour expier ce crime,

Partout sur ses autels veut un bouc pour victime :

Un bouc était le prix de ces grossiers acteurs

Qui, de nos jeux brillants barbares inventeurs,

Sur un char mal orné promenaient dans l’Attique

Leurs théâtres errants et leur scène rustique ;

Et, de joie et de vin à la fois enivrés,

Sur des outres glissants bondissaient dans les prés.

 

Nos Latins, à leur tour, ont des fils de la Grèce

Transporté dans leurs jeux la bachique allégresse :

Ils se forment d’écorce un visage hideux,

Entonnent pour Bacchus des vers grossiers comme eux ;

Et de l’objet sacré de leurs bruyants hommages

Suspendent à des pins les mobiles images.

Soudain l’aspect du dieu fertilise les monts,

Les arides coteaux, les humides vallons.

 

Gloire, honneur à ce dieu ! Célébrons ses mystères ;

Chantons pour lui les vers que lui chantaient nos pères ;

Qu’un bouc soit par la corne entraîné vers l’autel.

Préparons de ses chairs un festin solennel ;

Et que le coudrier, de ses branches sanglantes,

Perce de l’ennemi les entrailles fumantes.

 

La vigne veut des soins sans cesse renaissants ;

De la terre trois fois il faut fendre les flancs,

Sans cesse retrancher les feuilles inutiles,

Sans cesse tourmenter des coteaux indociles.

Le soleil tous les ans recommence son cours :

Ainsi roulent en cercle et ta peine et tes jours.

Même lorsque le cep, privé de sa parure,

Cède aux froids aquilons un reste de verdure,

Déjà le vigneron, reprenant ses travaux,

Bien loin vers l’autre année étend ses soins nouveaux ;

Déjà, d’un fer courbé, la serpette tranchante

Taille et forme à son gré la vigne obéissante.

 

Veux-tu de ses trésors t’enrichir tous les ans ?

Prends le premier la bêche et les hoyaux pesants ;

Retranche le premier les sarments inutiles ;

Le premier jette au feu leurs dépouilles fragiles ;

Renferme leurs appuis ; remets-les le premier :

Pour boire du nectar vendange le dernier.

 

Deux fois de pampres verts la vigne est surchargée ;

Deux fois d’herbage épais sa tige est assiégée.

Ne désire donc point un enclos spacieux :

Le plus riche est celui qui cultive le mieux.

 

Ne faut-il pas encore, le long des marécages,

Dans le fond des forêts, au penchant des rivages,

Couper le saule inculte et le houx épineux,

Et marier la vigne aux ormeaux amoureux ?

 

Enfin au dernier rang tu parviens avec joie :

Tout ton plant façonné sous tes yeux se déploie,

Et je t’entends chanter la fin de tes travaux.

 

Eh bien ! La bêche encore doit fouiller tes coteaux ;

Et, quand la grappe enfin mûrit sous son feuillage,

Pour noyer ton espoir, il suffit d’un orage.


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